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L’enlèvement international d’enfant

    Le 22 novembre 2019, les assises spéciales de Paris, accueillaient le procès d’une femme ayant comparu pour de nombreux faits, dont celui de soustraction d’enfant. En août 2014, elle avait quitté la France pour rejoindre les terres du djihad, en compagnie de ses deux filles, dépourvue du consentement de leur père. Ce dernier, partie civile au procès, a porté plainte pour non-représentation d’enfants.


    En 2008, une analyse statistique, sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, a démontré que 69 % des enlèvements étaient effectués par leur mère. Bien que leurs motivations résident généralement dans la volonté de protéger leurs enfants, l’acte litigieux est réel, même s’il reste difficile à percevoir par le parent auteur du délit.


    Dans la situation de l’enlèvement international d’enfant, par un de ses parents, celui victime du non-retour ou du déplacement de son enfant, dispose d’un instrument procédural lui permettant la fixation de ses droits parentaux. La Convention de La Haye du 25 octobre 1980, relative aux aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, est un instrument procédural permettant de rétablir le statu quo ante de la situation, là où la matière pénale, ne sera sollicitée que dans les cas où l’enfant ne peut être localisé. Cette Convention vise une entraide entre les États contractants, par une confiance mutuelle dans leur coopération. À ce jour, 99 États adhèrent à la Convention, celle-ci est entrée en vigueur en France le 1er décembre 1983.


      Les articles 7 et 8 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 fixent le pouvoir et les compétences des autorités centrales des États. Il s'agit essentiellement de localiser l'enfant, de rechercher une solution amiable, d'engager toute action nécessaire et de faire exécuter les décisions.


       Un déménagement de l'enfant à l'étranger n'est pas en soi illicite, il le devient dès lors qu'il intervient en violation du droit de garde de l'autre parent. Cette violation du droit de garde se décèle à travers deux critères cumulatifs, énoncés à l’article 3 de la Convention de la Haye. Le premier critère, suppose la violation du droit de garde du parent victime de l’enlèvement, et le second critère, est conditionné à l’effectivité du droit de garde qui doit exister au jour même où l’enfant a été enlevé, ou qui aurait dû exister si l’enlèvement n’était pas survenu.


        Un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, du 5 octobre 2010 (C-400/10), rappelle que le droit de garde sera évalué en vertu du droit national applicable, et ce, qu’il concerne le droit interne de l'État en cause ou son droit international privé. Le juge saisi d'une demande de retour, devra donc commencer par rechercher, si le parent victime de l’enlèvement est investi du droit de garde, comme le rappel deux arrêts, de la Première chambre civile de la Cour de cassation, du 29 février et du 14 mars 2012 (no 11-15.613 ; no 11-17.011).


          La Convention prête à s’appliquer aux enfants ayant leur résidence habituelle dans un des États contractants. L’article 4 de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980, énonce que celle-ci cesse de s’appliquer dès que l’enfant a dépassé l’âge de 16 ans. De plus, l’enlèvement ne peut être contesté pour des enfants in utero, la résidence habituelle d'un enfant dans un État membre requiert une présence physique dans l’État, comme le souligne la Cour de justice de l’Union européenne, dans sa décision du 8 juin 2017 (C-111/17).


       Concernant l’État français, les parents sont investis de plein droit de l'autorité parentale conjointe, et ce, indépendamment de la nationalité de l'enfant. L'un des parents ne pourra donc pas, sans le consentement de l'autre parent, déménager avec l'enfant à l'étranger.


       Concernant les dispositions européennes, en vue du renforcement des dispositions internationales, le Conseil de l'Europe entend notamment, « lutter contre la multiplication des enlèvements internationaux d'enfants », et aussi « éviter la consolidation juridique de situations de fait initialement illicites », en œuvrant à la rapidité des mesures prises dans le cadre de ces affaires d’enlèvement, comme le confirme la décision de la Cour européenne des droits de l’Homme, du 6 décembre 2007 (no 39388/05).


      S’agissant de l’Union européenne, le règlement Bruxelles II bis, apporte de réelles mesures permettant un approfondissement des dispositions apportées par la Convention de 1980. Le règlement n° 2019/1111 du Conseil du 25 juin 2019, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions de l’enlèvement international d’enfants, vient particulièrement renforcer au niveau régional, le retour immédiat de l’enfant (art. 22 à 29).


      Particulièrement l’article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui veille au respect de la rapidité des procédures, pour éviter qu’il ne soit gravement porté atteinte aux intérêts de l’enfant, en lui permettant de retrouver sa résidence habituelle, dans les plus brefs délais.


      La Cour de justice de l'Union européenne s'attache à vérifier sa conformité aux dispositions internationales, tout en garantissant de répondre au mieux aux exigences prescrites dans sa procédure.


        Pour un citoyen français, parent victime de l’enlèvement de son enfant, deux moyens permettent de mettre en œuvre la convention de la Haye du 25 octobre 1980. Selon l’article 29, le premier moyen est la saisine du bureau du droit de l'Union, du droit international privé et de l'entraide civile auprès du ministère de la Justice à Paris. Auquel cas le parquet des mineurs saisira le juge aux affaires familiales. Ce sera à l'avocat de saisir le juge aux affaires familiales. Dans le second cas, il peut se faire par la saisine directe du juge compétent, dans l'État de refuge.


      La demande aux fins d'obtenir le retour de l'enfant, en application de la convention de 1980, est formée, instruite et jugée en la forme de référé. Il ne s'agira pas d'obtenir une décision statuant au fond sur la responsabilité parentale, mais uniquement de rétablir la situation initiale à l’enlèvement.


       L’objectif de la Convention de la Haye, dans son article premier, est « d'assurer le retour immédiat des enfants déplacés ou retenus illicitement dans tout Etat contractant ». Et elle poursuit par l’explication de cet objectif, qui vise à « faire respecter effectivement dans les autres États contractants les droits de garde et de visite existant dans un Etat contractant ». On peut en déduire, que la Convention cherche précisément à maintenir le développement harmonieux de l'enfant dans son milieu, et qu’en cas d'enlèvement, le seul moyen de rétablir cette harmonie, est de rétablir la remise de l'enfant dans le lieu où il se trouvait avant l’enlèvement.


       Cependant, la Première chambre civile de la Cour de cassation, le 12 juin 2020 (no 19-24.108), précise que, dans le cas spécifique d’un nourrisson, leur environnement étant essentiellement familial, il n’est pas judicieux de se fonder sur la notion de “résidence habituelle”. Pour apprécier le caractère illicite de son déplacement ou non retour, le très jeune âge de l’enfant, justifie que soit pris en considération son environnement social et familial.

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